Découvrez l'article de notre sexologue, Margaux Marbaise, qui est allée à la rencontre d'une kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation du périnée. Ensemble, elles explorent les solutions et traitements proposés par cette profession pour soulager les douleurs ressenties pendant les rapports sexuels.

En tant que sexologue, ma mission est et restera de vous accompagner vers un rapport sain avec votre corps et votre sexualité. C’est pourquoi je m’engage activement à collaborer avec des professionnels de la santé sexuelle afin de vous offrir des outils adaptés et précieux pour votre épanouissement. Je suis convaincue que chaque spécialiste a un rôle clé à jouer. Si la thérapie en cabinet peut être efficace, elle ne suffit parfois pas à elle seule pour répondre à certaines problématiques, notamment lorsque les femmes éprouvent des douleurs lors de la pénétration.
La zone pelvi-périnéale est soumise tout au long de la vie à de nombreuses agressions : mécaniques, infectieuses, hormonales ou émotionnelles, pouvant même remonter à l’enfance. Chutes, déséquilibres posturaux, cicatrices post-accouchement, infections à répétition ou encore traumatismes émotionnels et abus sexuels sont autant de facteurs qui peuvent entraîner des douleurs vulvaires. Ces causes s’entrelacent dans un "puzzle" complexe, nécessitant une prise en charge globale et pluridisciplinaire.
Bien que des termes tels que vaginisme, dyspareunie ou vulvodynie soient de plus en plus cités dans les médias et les cabinets médicaux, le dialogue autour de ces pathologies reste encore timide, voire tabou. Parce qu’elles touchent à l’intime et se manifestent souvent lors des rapports sexuels, elles sont parfois considérées comme secondaires. Pourtant, leurs répercussions sur le bien-être des femmes sont considérables, affectant leur confiance en elles face à un corps qu’elles ne comprennent pas, faute d’informations et de prise en charge adéquate.
Cette méconnaissance n’est pas la faute des femmes. L’éducation sexuelle est souvent insuffisante : on enseigne comment se protéger ou concevoir, mais rarement comment explorer son corps, comprendre le rôle du périnée ou du clitoris dans la sexualité. Ainsi, lorsque des douleurs apparaissent lors de la pénétration, il est naturel de se contracter. Cependant, cette réaction, bien que compréhensible, peut devenir problématique. La contraction réflexe du périnée face à la douleur intensifie souvent cette dernière, créant un cercle vicieux où la douleur s’ancre et devient automatique.
Le parcours de ces femmes est souvent chaotique. Mal comprises par certains professionnels de santé, elles se voient parfois prescrire un lubrifiant ou simplement conseiller de "se détendre", des recommandations souvent insuffisantes qui peuvent aggraver leur sentiment d’échec et d’incompréhension.
Pourtant, un accompagnement adapté peut profondément changer les choses. Avec une prise en charge bienveillante, il est possible de soulager ces douleurs et de redécouvrir une sexualité épanouie.
Le premier pas vers la guérison passe par une meilleure connaissance de son anatomie et de son fonctionnement. Lors des consultations, nous explorons ensemble des sujets variés : gestion du désir, rapport au corps, éducation sexuelle, traumatismes liés à la douleur et autres aspects du rapport sexuel.
S’ensuit une approche globale et personnalisée, visant à aider chaque femme à se réconcilier avec son corps, sa vulve et sa sexualité. Cette prise en charge inclut souvent la collaboration avec d’autres spécialistes afin d’assurer un accompagnement complet.
Pour mieux illustrer cette approche, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec Annael Affriat, une kinésithérapeute douce et passionnée, spécialisée dans la rééducation périnéale. Voici un aperçu enrichissant de son expertise.
Entretien avec Annael Affriat, kinésithérapeute spécialisée dans la rééducation périnéale
Bonjour Annael, peux-tu me raconter ton parcours ?
Je suis diplômé de kinésithérapie depuis 2014. J’ai été diplômée dans ma ville natale, Marseille. De 2014 à 2016, j’ai fait de la kiné générale pour me faire la main et je me suis aperçue que dès que je prenais en charge une femme enceinte, c’était l’extase pour moi, que j’adorais vraiment ce milieu. Je me suis formée en kiné obstétricale et j’ai commencé à m’occuper des femmes après leur accouchement avec la rééducation périnéale. Assez naturellement, par la suite, je me suis intéressée aux douleurs périnéales. Je me suis rendue compte que c’était crucial et qu’il y avait beaucoup de demandes de patientes qui se sentent démunies, désespérées par ces douleurs qui sont incomprises et difficilement traitables si la prise en charge n’est pas globale.
Ça fait maintenant 4 ans que je suis dans le domaine.
Quelles sont les demandes principales des patientes que tu reçois ?
En premier lieu, il s’agit plutôt de postpartum simples, qui se passent bien et pour lesquels il ne faut qu’un renforcement musculaire pelvien ainsi que de la sangle abdominale. Il peut aussi y avoir des douleurs résiduelles dues à des cicatrices qui engendrent des difficultés à reprendre l’activité sexuelle après l’accouchement.
En dehors de la périnatalité, j’ai aussi des demandes de jeunes femmes qui ont des troubles périnéaux, qu’il s’agisse d’hypertonie, de vaginisme, de vulvodynie ou bien des femmes plus âgées qui présentent des troubles urinaires, souvent associés à des troubles sexuels.
Est-ce que les jeunes femmes sont plus souvent touchées par les douleurs lors des rapports sexuels ?
En tout cas, de mon expérience, oui. Il s’agit souvent de jeunes mamans, d’adolescentes ou de jeunes femmes qui souffrent de douleur depuis le début de leur vie sexuelle.
Peux-tu m’expliquer la prise en charge que tu proposes pour les douleurs ?
Toute prise en charge commence par une anamnèse durant laquelle j’essaie de comprendre depuis quand les troubles sont présents, dans quelles circonstances, quel a été le parcours thérapeutique de la femme et si elle a déjà été prise en charge par d’autres professionnels. En effet, pour cette problématique, une approche pluridisciplinaire est importante et chacun a un rôle à tenir, que ce soit le médecin, le gynécologue, le kinésithérapeute, l’acupuncteur, le sexologue, …
Ensuite, la patiente me parle de sa douleur et des sensations qu’elle ressent, puis nous passons au bilan morphologique. Je suis attentive à la posture de la patiente et à ce que ça peut révéler sans même que je la touche. La zone pelvi périnéale est une zone de convergence de forces mécaniques s’exerçant sur le bassin. Le bassin reçoit une poussée verticale exercée vers le haut par les membres inférieurs, et une autre exercée vers le bas par le rachis. L’observation de toutes dysfonctions des membres inférieurs ou du rachis me donnera donc des indices sur le type de contraintes appliquées sur le périnée.
Après, il y a le bilan manuel où je m’attarde sur la mobilité du bassin, du diaphragme, du transit intestinal et si c’est possible pour la patiente dès la première séance, nous faisons un bilan périnéal. Ça comporte une analyse de la vulve et un toucher vaginal, si c’est possible pour elle. Dans le cas contraire, on remet ça à plus tard.
A partir de tous ces éléments, on travaille d’abord de manière globale par des prises de conscience, de la relaxation, des étirements pour essayer de relâcher les muscles qui entourent le périnée puis progressivement nous nous rapprochons de la zone périnéale. Je fais beaucoup participer mes patients et il y a pas mal d’exercices à réaliser à la maison.
Fais-tu intervenir le partenaire ?
Tout à fait. Une des techniques qui peut être réalisée en couple est le massage périnéal. C’est quelque chose qu’on fait d’abord ensemble en séance puis que la patiente pratique seule. Ensuite, je propose de faire intervenir le partenaire.
Peux-tu m’expliquer quel est le lien entre la posture, le bassin et le périnée ?
Quand on regarde une personne, que ce soit de face ou de profil, on peut observer ses courbures vertébrales, s’il y a une hyper lordose ou une ptose abdominale. Si le ventre est très en avant, ça peut éclairer sur un relâchement des abdominaux. C’est un élément qui peut être en lien avec les douleurs (mais pas forcément) car les abdominaux sont directement en lien avec le périnée. Cela permet d’avoir un aperçu global de la patiente.
J’observe aussi la respiration car une respiration rapide et thoracique peut révéler un disfonctionnement au niveau du périnée.
Je regarde aussi les pieds, les genoux, l’axe des jambes, … tout cela a un impact avec le bassin qui reçoit les ondes de choc depuis les pieds ainsi que le poids de la tête. C’est un carrefour qui reçoit énormément de contraintes et on peut imaginer qu’en corrigeant les déformations, les altérations au niveau des axes, etc., on va soulager le bassin. Ça peut déjà être une bonne chose pour relâcher le périnée et diminuer les douleurs.
Peux-tu m’expliquer comment fonctionne le périnée ?
Le périnée est aussi appelé diaphragme pelvien. C’est un ensemble de plusieurs muscles qui tapissent tout le fond du bassin osseux sur différentes couches, de la plus profonde à la plus superficielle. Il y a certains muscles qu’on contrôle par la volonté, notamment les sphincters, que nous avons la possibilité de contracter pour avoir accès à la continence. D’autres muscles ne sont pas sous contrôle de notre volonté et ce sont essentiellement ceux qui assurent le maintien organique, de la vessie, de l’utérus, du rectum.
Le périnée est le lieu de l’assise: il nous permet d’être assise ensemble actuellement et de pouvoir discuter. Il est donc nécessaire au repos, à la convivialité, à l’étude. Il est le lieu de l’échange: par le plaisir, la sexualité, la mise au monde. Il est également le lieu de l’élimination qui est un besoin vital. Il est donc indispensable à notre bien être sous bien des aspects, il faut donc le découvrir, l’honorer, l’estimer et le préserver.
Un périnée sain ne sait pas seulement se contracter mais aussi se relâcher.
Quelle est la juste mesure entre relâchement et contraction du périnée dans la gestion de la douleur ou du plaisir sexuel ?
C’est justement cette élasticité, cette capacité à savoir contracter pour le verrouillage mais à savoir aussi tout à fait relâcher et la possibilité d’avoir un parfait contrôle là-dessus qui permet justement le dosage. Il s’agit de savoir manier son périnée comme on sait manier ses bras et ça passe par beaucoup de prises de conscience et des exercices de biofeedback qui sont des exercices qu’on utilise en rééducation. Ils se présentent sous forme de « parcours » où la patiente va devoir respecter des zones de contraction puis de relâchement pour apprendre à affiner sa perception de son périnée.
Peux-tu m’expliquer comment on prend en charge de manière plus spécifique une femme qui souffre de douleurs périnéales ?
Une fois que tout l’environnement périnéale est relâché (les muscles fessiers, le bassin, …), on va travailler en externe au niveau de la vulve puisqu’on peut déjà avoir accès à certains muscles périnéaux en externe. Donc, on travaille via des massages, des points de pression pour détendre et aider la femme à augmenter la conscience qu’elle a de son périnée.
Ensuite quand on peut passer en interne, c’est le même principe, au niveau de l’entrée du vagin, on travaille avec des mouvements circulaires qui vont assouplir tout le périnée postérieur notamment.
Toutes les manœuvres se font au niveau de l’entrée pour commencer puis on utilise la technique du contracté/relâché. Le principe, c’est qu’un muscle qui se contracte a la capacité de se relâcher plus facilement donc le fait d’alterner des contractions avec du relâchement fait qu’on arrive à détendre la zone.
Ces exercices peuvent être réalisés dans différentes positions. Allongée sur le dos, on va avoir accès à une certaine partie du périnée et à d’autres zones en étant accroupie car la pesanteur est plus importante et apporte une autre perception du périnée postérieur notamment. C’est intéressant de proposer aux patientes de ressentir leur périnée dans différentes positions.
Pour cela, il faut évidemment que la confiance soit installée avec la patiente et qu’on soit assez avancé dans le traitement. Ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres et c’est à la patiente de donner son feu vert.
Avec la sonde, on a plusieurs programmes d’électrostimulation dont les courants antalgiques* qui vont agir sur le circuit de la douleur pour l’inhiber.
Est-ce que ça fait mal, ces courants ?
Non, on le règle avec la patiente en partant de 0 et on monte de 0.2 milliampères à la fois. La sensation n’est pas forcément agréable, ça peut être des fourmillements ou des battements, mais à aucun moment ça ne fait mal.
Il existe, dans la catégorie de ces courants antalgiques, les courants endorphiniques** qui visent une libération d’endorphines en fin de séance et une sensation de soulagement immédiate au niveau de la douleur.
Ces traitements sont à répéter dans le temps pour que les effets puissent durer.
Ces sondes servent aussi pour les rééducations post partum pour renforcer le périnée et aussi le biofeedback qui est vraiment comme un jeu vidéo pour le périnée.
Combien de séances sont généralement nécessaires pour un traitement de la douleur ?
On commence toujours avec 9 séances qui sont prescrites par le médecin. Il y a ensuite la possibilité de prolonger à 18 séances. Le plus souvent, je vois les patientes deux fois par semaine et dès qu’on avance bien en termes de perception, de sensations et d’autonomie, on espace à toutes les semaines voire tous les 15 jours.
Les séances sont remboursées à 75% par la mutuelle.
Prescris-tu l’utilisation de kits de dilatateurs pour le vaginisme ?
Oui, je le recommande même si c’est un coût. Je propose le kit Vagiwell mais c’est à la patiente de choisir.
Je conseille aussi la lecture d’un livre « Le périnée féminin douloureux » de Martine Grimaldi qui s’adresse aussi bien aux patientes qu’aux thérapeutes qui prennent en charge les douleurs. C’est un chouette outil pour les patientes et ce livre traite aussi de tout l’aspect psycho et émotionnel qu’on peut retrouver derrière les douleurs.
Avec le recul que tu as sur ta pratique, quel est ton pourcentage d’améliorations sur les douleurs et le vaginisme ?
Ça dépend d’où en est la patiente et depuis quand elle traine ses douleurs. Mais on arrive toujours à soulager au moins 50% de la douleur. Il y a de toute façon une amélioration évidente car le traitement que je propose est physique et la douleur est ressentie physiquement. On agit sur le ressenti douloureux et on arrive toujours à diminuer de moitié la sensation douloureuse dans le pire des cas et dans le meilleur des cas à la faire disparaitre.
Bien entendu, la prise en charge pluridisciplinaire est essentielle.
Un grand merci, Annael, pour cette interview enrichissante !
Margaux
Pour les coordonnées d'Annael, c'est par ici: https://centrekinesitherapeuteliege.be/?Equipe
*GATE CONTROLE: Signal de haute fréquence appliqué sur la zone douloureuse qui va être considéré par le cerveau comme un message prioritaire sur celui de la douleur. Analgésie immédiate, localisée et peu durable.
** TENS ENDORPHINIQUE: Signal de basse fréquence qui reproduit des petites contractions musculaires qui vont envoyer un signal au cerveau déclenchant une libération d’endorphines. Une fois que la sécrétion est lancée, l'analgésie est diffuse et durable.

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